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Pont Henri Konan Bédié

Le pont Henri-Konan-Bédié est un pont autoroutier à péage reliant les communes de Cocody et de Marcory à Abidjan en Côte d'Ivoire. Mis en service en décembre 2014, il permet un gain de plus d'une heure de trajet entre les deux quartiers traversés par la lagune Ébrié.

Il doit aussi permettre de désengorger les deux seuls autres ponts de la ville, situés plus à l’ouest : le pont Félix-Houphouët-Boigny construit en 1957 et le pont Général-de-Gaulle construit en 1967. Érigé en trois ans par le groupe Bouygues Construction, il était alors considéré comme l’un des plus importants chantiers d’infrastructure de l’Afrique de l’Ouest. Symbole du renouveau économique d’un pays en proie à une crise majeure quatre ans plus tôt, il est estimé que ce pont réduira les émission de dioxyde de carbone de 90 000 tonnes par an.

Conception

L’idée du projet de pont Riviera-Marcory tient ses origines dans le plan d’urbanisme BADANI de 1952 (à l’origine de la transformation d’Abidjan en ville industrielle et commerciale), puis dans le plan SETAP de 1960 (acronyme issu de la Société pour l’étude technique d’aménagements planifiés, à l’origine de ce plan) qui rectifiait certaines des imperfections du précédent. Ces deux plans d’urbanismes ont défini les principaux boulevards d’aujourd’hui avec une attention particulière à l’île de Petit-Bassam, le Plateau, mais aussi et surtout Cocody. La planification de l’époque mettait un accent particulier sur les routes, l’habitat et les équipements socio-culturels, mais se basait sur le principe de concentration des activités et des populations sur une surface peu étendue. De nombreux problèmes consécutifs aux failles de ces plans ont poussé l’État de Côte d’Ivoire à se pencher sur les nouveaux problèmes et enjeux urbanistiques d’Abidjan. Il fut ainsi décidé de remettre en cause les dogmes et projets restants des plans BADANI et SETAP, mettant en sommeil plusieurs projets dont celui d’un pont reliant à l’époque Cocody-Danga à l’actuelle commune de Marcory.

Il aura fallu une forte croissance et extension de l’agglomération d’Abidjan, et la mise en œuvre de plusieurs plans d’urbanisme au cours des années 1970 et 1980, pour que ce projet de pont soit à nouveau à l’étude. La conception de l’ouvrage est finalement achevée début 1996, dans le cadre du programme des « Douze Travaux de l’Éléphant d’Afrique ». Un appel d’offre international est lancé en juillet 1996, menant à la signature du contrat de concession le 14 novembre 1997. Porté et mis en avant par Tidjane Thiam, devenu ministre en août 1998, le pont alors nommé Riviera-Marcory voit sa première pierre posée le 18 janvier 1999 lors d’une cérémonie solennelle à l’Institut national de la jeunesse et des sports, en présence d’un important parterre de personnalités politiques parmi lesquelles :

  • Daniel Kablan Duncan, premier ministre;
  • Tidjane Thiam, ministre du Plan et du Développement;
  • Laurent Dona Fologo, ministre de la solidarité;
  • Émile Constant Bombet, ministre de l’intérieur;
  • Mathieu Ekra;
  • Léopoldine Coffie Tiézan.

Le chantier est brutalement mis en sommeil à la suite du coup d’État du 24 décembre 1999, qui survient quelques jours après le bouclage du financement du projet : les bailleurs de fonds du projet perdent confiance et se désengagent. Cette situation perdurera pendant toute la période de crise politico-militaire. Il faudra attendre l’année 2008 pour voir réapparaitre une volonté politique de relancer le chantier, sous l’impulsion de Patrick Achi en tant que ministre des infrastructures économiques.

Construction

Ce ne sera que courant 2011, avec la normalisation de la situation politique, que de nouveaux contrats sont signés, permettant la relance du chantier marquée par une nouvelle cérémonie officielle le 7 septembre 2011, à laquelle assistent le président en exercice Alassane Ouattara et l’ancien président Henri Konan Bédié, dont le nom est désormais donné au pont, qui sera le plus long de Côte d’Ivoire. Sa construction s’accompagne de celle d’un nouvel échangeur à trois niveaux sur le boulevard Valéry Giscard d’Estaing. L’ensemble de la construction est assurée par le groupe Bouygues et représente un coût total estimé initialement à près de 152 milliards de francs CFA (232 millions d`euros).

Le coût total du projet (pont + autoroute + échangeurs) est établi à 308 millions d’euros, financés via un partenariat public-privé entre l’État ivoirien et de nombreux partenaires internationaux (BOAD, BIDC, BAD, AFC, FMO, BMCE, PAIDF et MIGA).

Le projet entier est constitué de trois parties :

  • la partie Nord côté Riviera, longue de 2,7 km en 2×2 voies partant du boulevard Mitterrand au niveau de l’École de Police jusqu’en bordure de la lagune Ébrié, auxquelles s’ajoute une digue de 400 m ;
  • le pont Henri-Konan-Bédié, long de 1,5 km en 2×3 voies, d’une largeur de 28 m dont 3 m de trottoir, et dont les fondations vont de 30 m à 80 m de profondeur, relie la digue de la Riviera à la rive de Marcory ;
  • la partie Sud côté Marcory, longue de 2 km en 2×3 voies, relie le bord lagunaire au boulevard Giscard d’Estaing, se raccordant à l’échangeur éponyme. Des voies latérales sont destinées aux riverains de cette zone très habitée.

La construction du pont Henri-Konan-Bédié est un projet qui a fait appel à près de 1500 employés (dont 11% de femmes) en quasi-totalité ivoiriens, auxquels s’ajoutent 60 expatriés. Le chantier impliqua une collaboration entre des ingénieurs français et ivoiriens, issus de l’Institut polytechnique Houphouët-Boigny. Les pieux et les caissons des ponts sont construits sur place tandis que le béton utilisé, le CM3 provenant d’Espagne, est modifié chimiquement pour convenir aux conditions locales via l’ajout d’adjuvants. De la bentonite est utilisée pour effectuer le coffrage des pieux.

La construction du Pont HKB ainsi que de l’échangeur situé sur le Boulevard Valéry Giscard D’Estaing et des autoroutes d’accès au Nord et au Sud de la Lagune, est la réalisation de la société SACPRM (Société Anonyme de Construction du Pont Riviéra Marcory).

Au pic de la production, environ 1500 personnes, sous-traitants compris, étaient employées par la SACPRM sur le chantier, de toutes nationalités; 90 % de personnel était cependant de nationalité ivoirienne dont nombres d’entre eux étaient issus des quartiers défavorisés d’Abidjan.

Outre la qualité de l’ouvrage et le respect des délais, la SACPRM a mis l’accent sur la formation et la sécurité des personnels, ainsi que sur le respect de la législation sociale ivoirienne.

Afin de permettre de reclasser efficacement son personnel formé, la SACPRM a organisé en juillet 2014 un forum de l’emploi de trois jours, dont le principe a été de faire venir les entreprises ivoiriennes les plus réputées à ses travailleurs, sur leur lieu de travail, permettant à une grande majorité de ses employé(e)s de retrouver un emploi une fois le Projet terminé. Cette méthode a été une grande première en Côte d’Ivoire et saluée tant par les travailleurs du Pont que par les autorités ivoiriennes.

Communication et impact

Premier grand chantier relancé après l’investiture d’Alassane Ouattara à la présidence de la République en avril 2011, un important travail de communication a été effectué autour de l’ouvrage et sur le chantier, tout au long de sa construction. Symbole de la reconstruction, voire de la « renaissance » de la Côte d’Ivoire, alors très affectée par une décennie de guerre civile, de troubles et de violences politiques et d’un État déliquescent, le gouvernement ivoirien a souhaité faire du pont un exemple de gestion gouvernemental tant sur la question de la gouvernance que sur les questions liés à son financement (appel d’offre, partenariat public-privé, transparence). Le pont Henri-Konan-Bédié devait servir de référence en matière de gouvernance (la Côte d’Ivoire souffre d’une corruption endémique), alors que le pays connait de nombreux chantiers de réhabilitation et d’extension de son infrastructure. La SOCOPRIM, chargée de la construction de l’ouvrage et concessionnaire, publia de nombreux comptes-rendus de l’avancement des travaux, traitant de la gestion de ceux-ci, du personnel et des matériaux utilisés.

Pendant sa construction, le pont devient une attraction touristique : Les visites ne sont plus limitées aux seules équipes gouvernementales et aux journalistes, et s’étendent à certains publics tels que des groupes scolaires9. La construction du pont est médiatisée à la RTI, mais aussi à l’étranger via France 24 et la BBC. Le chantier reçut également la visite de François Hollande, en visite officielle en juillet 201410.

L’impact et les résultats consécutifs à la construction du pont Henri-Konan-Bédié et sa communication ont conduit le gouvernement ivoirien à annoncer la construction de deux nouveaux ponts à Abidjan, avant même qu’il ne soit terminé : le pont d’Azito, 4e ouvrage devant relier la commune abidjanaise de Yopougon à l’île Boulay, et le pont Cocody-Plateau, devant relier directement la commune de Cocody à celle du Plateau en contournant la commune d’Adjamé et le carrefour de l’Indénié, posant parfois sérieusement problème. Un pont reliant Adjamé à Yopougon est également à l’étude.

L’inauguration de l’ouvrage se déroule le 16 décembre 2014 en présence du chef de l’État Alassane Ouattara, du président de la Banque africaine de développement Donald Kaberuka et d’une délégation française menée par Martin Bouygues12. Le groupe de musique Magic System est également invité aux cérémonies, leurs membres étant originaires du quartier d’Anoumabo où empiète le pont.

Tarifs prévus (à partir du 2 janvier 2015) : 500 francs CFA pour les voitures, 1500 francs CFA pour les cars et camions et 3000 francs CFA pour les poids lourds.

Critique du péage

Dès l’annonce d’un péage au sein du projet de pont Riviéra-Marcory, des critiques ont émergé contre cette idée, soupçonnant les initiateurs du projet de vouloir concevoir un pont « pour les riches », dont le tarif prohibitif affecterait une partie de la population qui s’est paupérisée à la suite de la crise des années 1980 qui marque la fin du miracle ivoirien, puis dès 1994 avec la dévaluation de moitié du franc CFA, et enfin pendant la décennie noire ayant duré toutes les années 200015.

Jusqu’à la mise en service de l’Autoroute du Nord (Côte d’Ivoire) en décembre 2013, le réseau routier ivoirien était intégralement entretenu à la charge de l’État et sans péage. Les défenseurs de cette solution affirment que les péages nouvellement introduits doivent permettre de trouver un financement plus efficace afin de réhabiliter des infrastructures routières devenues moribondes, de les entretenir sur le long terme, et d’étendre le réseau routier goudronné ivoirien.

Initialement prévu à 750 francs CFA (1,14 euros), certains comptent sur une éventuelle subvention par l’État ivoirien ou un système d’abonnement pour limiter les surcouts, ce qui reste cependant insuffisant à l’égard d’autres. En réponse à ces critiques, le gouvernement annonce lors de l’inauguration de l’ouvrage la gratuité du péage du 20 décembre 2014 au 2 janvier 2015, Le tarif appliqué en ce début d’année 2015 est finalement de 500 F CFA pour un véhicule particulier de dimension standard.

Le pont Henri-Konan-Bédié a un mode de financement similaire à d’autres grands projets d’infrastructures, destinés à faciliter le parcours ou le franchissement d’obstacles au sein de mégapoles, tels que le Holland Tunnel (6 dollars ou 3 200 francs CFA par passage de voiture), ou la voie rapide entre le centre de Tokyo et l’aéroport international de Narita.

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