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L’organisation du royaume Koulango

Le roi est le détenteur du pouvoir politique. Il incarne le royaume dans son intégrité physique et morale. Ses sujets, en s'adressant à lui, l'appellent «Dabô »; ce qui veut dire en koulango «Digne représentant de nos pères» ou encore «Majesté»

D’autres l’appellent «Djara», c’est-à-dire le Lion. Pour saluer le Roi, ils doivent s’incliner et frapper trois fois dans les mains. Nul n’a le droit d’entrer dans la cour du Roi sans enlever ses chaussures. De même, en dehors du Roi qui est assis sur la chaise royale (Kondja), le visiteur doit prendre place sur une peau de bœuf ou sur une natte.
Le Roi est coiffé d’un bonnet dont le sommet sous forme de bosse, est rembourré et plié en avant. Bien qu’ils aient le même type de bonnet, les chefs ou rois de province doivent orienter la bosse rembourrée du côté droit lorsqu’ils sont en présence du Roi.

Le Roi est le garant du patrimoine foncier du Royaume. Cependant, en dehors du domaine foncier qui lui est réservé (province de Bouna), il ne peut attribuer toute autre terre sans l’autorisation du chef de province qui en est le détenteur. Dans tous les cas, les cérémonies de dévolution de la terre relèvent des attributions du chef de terre (Gôrô-issiè).

Les attributs de la royauté

– La chaise royale (Kondja): emblème du pouvoir. Elle est transmise de génération en génération aux héritiers du trône.
– Issiè-botôgô: c’est un siège en peau sur lequel le Roi s’asseyait, à l’origine, au cours de ses audiences.
– Bounkani bôyôgô: case de Bounkani (ancêtre et fétiche)
– Kôhôra: tunique du Roi et des notables
– Napoukroussi: pantalon
– Kpangô: bonnet
– Natonhoun: sandales
– Katakoutougo: ombrelle du Roi
– PKassa-toko: sceptre royal à pouvoir mystique
– Issiè bossouo: le cheval royal
– Tîngmana et Bîngbo: Tam-tams parleurs
– Souohilihô: chasse-mouches

II est interdit au Roi de porter de l’or, ou de l’utiliser pour la confection des attributs royaux. Cette interdiction s’applique également à l’ensemble du clan royal.

Système d’alternance et continuité du pouvoir royal

Depuis le 16ème siècle, le pouvoir se transmet de génération en génération à l’intérieur du clan royal entre les descendants du fondateur du royaume (Bounkani). Depuis le quatrième souverain (Zawari), un triumvirat a été instauré entre les trois fils de ce dernier: Gago, Wôkô et Kounga.

Ces trois fils ont donné lieu à des quartiers lignages :
– Gago-bobenou
– Piawari-bobenou
– Kounga-bobenou

qui se succèdent aujourd’hui sur le trône suivant le même système.

Chaque quartier lignage (louoho) comporte des villages satellites à la tête desquels sont placés les princes (Ibouo). Suivant un système de gradation bien établi à l’intérieur de chaque groupe de villages, c’est le Chef du village le plus gradé qui devient le Roi suprême du royaume de Bouna, lorsque c’est le tour de son quartier lignage de monter sur le trône. Le village le plus gradé du quartier lignage Gago est Niadegué, village situé à une dizaine de kilomètres de Bouna, sur la route de la Volta-Noire.

Danoa est le village le plus gradé des deux autres quartiers lignages qui s’y succèdent à tour de rôle.

Trois lignagnes Benjamin Kounga

Au décès du Roi de Bouna, après une période rituelle au cours de laquelle il est déclaré que le Roi a mal à la dent, la nouvelle officielle est donnée à la population suite à trois coups de fusil. Dès cet instant l’intérim est assuré pendant trois mois par le chef de Yalo, village situé à 30 kilomètres environ de Bouna sur la route de Tehini.

Le Roi intérimaire gère les affaires courantes; il a surtout pour mission de veiller à l’accomplissement des cérémonies quotidiennes qui précèdent l’intronisation du nouveau Roi. Le futur roi est choisi par le quartier lignage dont le tour est venu d’occuper le trône, dans un délai de sept jours suivant le décès du Roi. Les funérailles et l’intronisation sont obligatoirement organisées à l’issue des trois mois d’intérim selon le rituel suivant:
– Samedi de nouvelle lune: veillée funèbre
– Dimanche: intronisation et danses traditionnelles
– Lundi: danses traditionnelles
– Mardi: crépissage de la tombe du Roi défunt
– Mercredi: sacrifices
– Jeudi: jet du «zagoun» (levée de deuil)
– Vendredi: « Tigolo » (salve de clôture)

Après avoir été isolé pendant toute la période de l’intérim (2 mois 27 jours), et passé 3 jours dans un bois sacré, le futur Roi, accompagné de ses guerriers, fait son entrée le Dimanche à Bouna en passant par Hengbè (quartier situé à l’est de la ville). Après son entrée qui est annoncée par des coups de fusils, il se rend dans la cour du Roi défunt pour prendre le pouvoir. Selon le rituel, il doit d’abord faire trois fois le tour de la tombe du Roi défunt. Après chaque ronde, il doit s’arrêter et exprimer son deuil en pleurant : «oh mon père».

Ensuite, s’engage autour de la tombe royale une lutte acharnée ponctuée de coups de fusils tirés à blanc. Tandis que la garde du futur Roi cherche à défaire la palissade (Gbangbangô) qui entoure cette tombe, la garde du Roi défunt cherche au contraire à la protéger. Cette bataille symbolique entre les deux lignages frères se termine toujours par la victoire de la garde du futur Roi.

Après l’effondrement de la palissade qui marque la fin du règne du Roi défunt, le futur Roi est intronisé devant les dignitaires et la population par le chef de terre qui lui fait mimer à trois reprises l’action de s’asseoir sur un tabouret. La troisième fois, le futur Roi s’assoit définitivement sur le tabouret. Dès cet instant, il devient Roi de Bouna et peut s’asseoir sur le trône. C’est à cette occasion également que le chef de terre, dans un sermon très critique, indique publiquement au Roi la conduite à tenir pendant son règne.

Après l’intronisation, il est choisi un nom de règne au Roi. Le nom qui a toujours une signification profonde, est donné après consultation des fétiches.

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