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Le pays Sénoufo

Le pays Sénoufo est réparti entre trois Etats : la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Il comprend environ 1.500.000 personnes réparties en plus d'une trentaine de sous-groupes. Chaque sous-groupe a ses propres caractéristiques mais il existe plusieurs traits culturels qui font l'unité des Sénoufo : la langue, les patronymes, l'organisation sociale et religieuse.

Dans la partie burkinabè, les Sénoufo occupent une région étirée, située au Sud-ouest du pays. Les Sénoufo font partie des populations les plus anciennement installées sur le sol burkinabè. Ils sont répartis principalement sur les provinces du Kénédougou et de la Léraba où on les trouve plus nombreux. Ce territoire sénoufo n’est pas pour autant homogène puisqu’il est constitué d’îlots au milieu d’autres groupes ethniques de la famille « mande » (samogho, dioula).

Si le pays Sénoufo au Burkina Faso commence précisémentà partir de la petite ville de Sindou (à l’ouest de Banfora) et dans la partie située à l’ouest et au nord de Orodara, nous traiterons dans ce reportage également de la région de Orodara (ethnie syemou) et de Banfora (ethnies gouin, turka, tussian, karaboro et tyefo) principaux centres urbains avant d’accéder en « pays Sénoufo »

Environnement
L’environnement du pays sénoufo se caractérise par son relief. En effet, le pays est situé sur le massif gréseux qui occupe tout le sud-ouest du Burkina. C’est la région la plus élevée du pays avec le mont Ténakourou qui culmine à 749 mètres. On trouve aussi les falaises de Bérégadougou et de Banfora et les aiguilles ou pics de Sindou. La région est particulièrement bien arrosée et bénéficie de trois cours d’eau : la Comoé, la Léraba et le Pandi. La végétation se caractérise par des savanes arborées et des forêts claires et denses. La terre y est fertile donc propice à l’agriculture.

Economie et politique
Les sénoufo vivent dans des villages isolés n’entretenant de relations qu’avec leurs voisins immédiats. Il s’agit de terroirs autonomes et indépendants sans pouvoir centralisé. C’est une société lignagère. Ainsi, l’autorité à l’intérieur du clan revient au patriarche. Le chef de terre est le descendant du lignage fondateur du village, il est le dépositaire et l’officiant principal du fétiche du village. Il a des prérogatives dans le domaine foncier et tout ce qui touche à la terre. Malgré ses prérogatives, son rôle n’est pas celui d’un chef politique comme ce serait le cas dans une société au pouvoir centralisé.

Au niveau de la famille, c’est l’ainé qui a l’ascendant moral et spirituel sur les autres membres de la famille. A ce titre, c’est lui qui préside le collège de sages (les anciens), qui protège et adore le fétiche familial, qui organise les travaux champêtres et les récoltes collectives et qui représente la famille à l’extérieur (au niveau clanique par exemple)

Les sénoufo qui bénéficient d’un climat et d’un sol favorable pratiquent régulièrement l’agriculture. Ils cultivent le mil, le maïs, le haricot, le fonio, le pois de terre, la patate, l’igname, l’arachide, le sésame, le tabac, le coton, le riz de bas fond… L’arboriculture fruitière y est également très développée avec de vastes étendues de manguiers, orangers, papayers, citronniers et bananiers.

Jadis, la chasse était la deuxième activité de production pratiquée par les sénoufo. On raconte qu’ils étaient de redoutables chasseurs d’éléphants. Aujourd’hui, il ne reste que du petit gibier tel que le lièvre, la perdrix, le canard sauvage, le singe, l’écureuil…

Aperçu historique
Partis du delta du Niger, autour de la région de Kankaba (Mali), à la recherche de terres fertiles, les Sénoufo arrivèrent vers le 13 ème siècle dans la région où ils résident actuellement. Korhogo (en Côte d’Ivoire), protégée des incursions guerrières par le Bandama blanc devient la capitale et le siège de la plus importante chefferie Sénoufo. A la fin du 18ème siècle quand le grand conquérant mandingue Samory menaçait le pays Sénoufo, le chef de Korhogo déclara : « Nous ne sommes pas des guerriers mais des cultivateurs ».

Au XVIIIe siècle, l’ouest burkinabé, à l’exception des pays lobi et birifor et d’une partie du pays dagara, est passé sous la domination des souverains dyula de Kong. Famara Wattara, fils de Seku, s’installe à Bobo-Dioulasso et fonde le Gwiriko tandis que son frère Bakari tente en vain de conquérir le territoire des lobi, toujours farouchement attachés à leur indépendance. Au XIXe siècle, l’empire de Kong est démantelé. Le Gwiriko est déchiré par d’incessantes révoltes. Le royaume dafing de Wahabu, naît sur ses décombres. Plus à l’ouest, mais toujours à l’intérieur des anciennes limites de l’empire de Kong, des Traoré fondent autour de Sikasso le royaume du Kenedugu (1825). Mieux organisé que le Gwiriko, et se posant en rival offensif de ce dernier, le Kenedugu, à l’instar de son voisin, doit affronter de nombreuses et violentes révoltes. Le Kenedugu disparaît avec la prise de Sikasso par les français (1898).

Le nom « sénoufo » est un terme Bambara du Haut-Niger qui veut dire la « langue des cultivateurs ». C’est un terme exogène qui désigne ces populations hétérogènes installées dans cette zone et qui pratiquaient l’agriculture. Il existe des sous-groupes « sénoufo » qui ont des traits culturels communs tels que le taux d’intelligibililité qui atteint 50% (les différences linguistiques se manifestent dans des nuances de prononciation : l’accent, le ton, la contraction de certains mots…), certains cultes et rituels (le culte du Komo et les rites funéraires), la musique et la danse…

Us et coutumes
Dieu et les génies
Les sénoufo pratiquent de nombreux cultes religieux. Ces cultes sont dédiés aux dieux suprêmes et intermédiaires, aux génies protecteurs et aux ancêtres. A proximité des villages Sénoufo subsistent des bois sacrés, restes de la forêt primordiale. Ces lieux sacrés sont préservés car ils sont réservés à ces divinités. Le panthéon Sénoufo comprend à la base le dieu fondateur unique à l’origine de tout, Koutyolo. Selon la tradition, ce dieu s’est endormi et n’intervient plus dans les affaires de l’univers. Le pendant féminin de ce dieu est représenté par Katieleo, mère tutélaire du village, protectrice du bois sacré.

Les sénoufo en général pratiquent deux cultes dédiés à deux fétiches protecteurs : le kõmõ et le Kõnõ. Seuls les initiés (exclusivement les hommes) à ces fétiches peuvent les voir. L’initiation aux cultes du kõmõ et du Kõnõ commence par le sacrifice d’un poulet sur les différents autels. Tout initié à ces cultes ne doit jamais divulguer les secrets aux non initiés et aux femmes.

Il existe des périodes pour voir le kõmõ et le Kõnõ : en saison sèche et au début de la saison des pluies (ces fétiches ne sont pas visibles pendant la période des hautes eaux). Au début de l’hivernage, au nom de tous les habitants du village, le prêtre-sacrificateur fait des offrandes propitiatoires pour que la saison soit bonne. Il est également possible de formuler des v?ux individuels. Le kõmõ n’est pas réservé aux seuls sénoufo, tout individu peut s’initier à ce culte. De même, un village d’une autre ethnie peut acquérir son propre culte du kõmõ. La démarche à suivre est la suivante :
– le village intéressé formule la demande auprès d’un prêtre du kõmõ .
– si le prêtre donne son accord, le demandeur fait offrande de deux (02) taureaux, de deux (02) cabris (un mâle et une femelle) et d’un (01) chien rouge. Le sacrifice du chien rouge se fait en remplacement du sacrifice humain aujourd’hui aboli.

Les sénoufo, réputés pour être de grands chasseurs, subissent également une initiation spécifique pour pouvoir appartenir à la confrérie des chasseurs (Dozo-ton). Cette confrérie est dotée d’une structure hiérarchique très rigide et les différents enseignements sont dispensés par des maîtres, selon des codes très strictes. Le statut de « DOZO », de chasseur est très enviable car le dozo jouit d’un grand prestige et d’une grande respectabilité. Il est particulièrement craint à cause des pouvoirs mystiques qu’il détient : faculté d’ubiquité, d’invisibilité, de métamorphose, d’invulnérabilité aux armes…
Cependant, ce statut est aussi contraignant car il s’accompagne d’interdits alimentaires et sexuels qu’il faut scrupuleusement respecter.

Les sénoufo ont pour parents à plaisanterie les Lobi-dagari, voisins proches qui habitent plus particulièrement la province du Poni. Aussi, à l’intérieur du groupe sénoufo, il existe une parenté à plaisanterie entre patronymes différents : les Coulibaly sont parents à plaisanterie avec les Ouattara, les Traoré avec les Koné… Les principaux patronymes sénoufo sont : Coulibaly, Ouattara, Konde, Kone, Kamara, Diarrassouba, Touré, Traoré, Bamba, Fofana, Konaté, Dembele, Cissé…

Art culinaire
L’art culinaire sénoufo se constitue principalement de to à base de mil, de maïs de haricot ou de fonio. Il s’accompagne d’une sauce au Gombo ou à l’oseille assaisonnée de soumbala. Le haricot est le plus souvent bouilli et consommé avec de l’huile de karité. Le fonio est préparé sous forme de couscous à la vapeur et se mange accompagné d’une sauce d’arachide. La farine de pois de terre est utilisée pour faire une sorte de crèpe appellée « bambala » consommée aussi avec de l’huile. C’est ce plat qui est servi aux visiteurs, même tard dans la nuit car les femmes ont toujours des réserves de farine de pois de terre et la préparation très simple ne dure guère.

Source: Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso

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