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Les traits culturels communs des Krou

Nous avons annoncé qu'il n'existait pas moins de 15 "ethnies" Krou en Côte d'Ivoire. Dans une région comme l'Ouest ivoirien, c'est en fait la notion même d'ethnie qui doit être contestée; En effet, l'Ouest forestier ivoirien apparaît comme un milieu continu où l'on passe d'une zone à l'autre, d'une culture à l'autre, d'une ethnie à l'autre par des transitions insensibles, où il est donc assez arbitraire de tracer des frontières tranchées.

Ce milieu continu est fait d’une constellation de petites communautés souveraines, chacune d’entre elles est au centre d’un réseau de relations où entrent toutes les communautés situées dans un rayon déterminé; Les réseaux centrés sur deux communautés contiguës se recouvrent partiellement mais ne se confondent jamais.

Cette continuité a comme corollaire l’existence d’un certain nombre de traits communs à la culture Krou, que ce soit au plan de l’organisation sociale, du mode de vie ou de la cosmogonie.

Les Krou forment une société de type lignager, à filiation patrilinéaire, à résidence patrilocale et à mariage virilocal. Leur organisation socio-politique traditionnelle s’articule autour d’unités territoriales et familiales qui s’emboîtent les unes dans les autres selon un schéma pyramidal. C’est une société où l’on constate l’absence de pouvoir central, de machinerie administrative, d’organisation judiciaire; Une société où le système segmentaire des lignages règle les relations politiques entre segments territoriaux. La parenté joue donc un rôle capital dans un tel type de société, où la seule autorité vraiment incontestée est celle de l’aîné du lignage; mais aussi le mariage, en tant que créateur d’alliances, mariage dont la forte polygynie et l’existence de compensation matrimoniale(ou dot) au taux élevé font la clé de voûte de l’organisation sociale.

La culture matérielle est, de même, relativement uniforme. La civilisation Krou est une civilisation de clairière; En effet les Krou pratiquent la culture itinérante sur brûlis, le riz est la nourriture de base, socialement la plus valorisée; Le manioc et le maïs constituent des nourritures d’appoint, à ces produits vivriers traditionnels, s’ajoutent depuis un demi-siècle, les cultures commerciales du café et du cacao, dont la pérennité contribue à stabiliser un terroir autrefois étroitement tributaire du nomadisme agricole. L’élevage est peu développé, mais le boeuf, objet jadis d’importantes fonctions rituelles(mariage, funérailles), tient toujours une place de choix dans le patrimoine lignager Krou. Si les populations côtières s’adonnent traditionnellement à la pêche, la chasse(chasse collective au filet chez les Dida et les Godié, chasse individuelle au fusil ailleurs, piégeage) continue à être à l’honneur chez les Krou de l’intérieur, dans une forêt riche en gibiers. L’habitat, autrefois à base de cases rondes, a presque partout adopté la case rectangulaire(sauf dans l’extrémité sud-ouest du pays où de très belles constructions traditionnelles subsistent), avec des murs en pisé et des toitures en papo.

Si l’activité artisanale est intense au nord et au nord-ouest de la région(artisanat d’art notamment : sculpture de masques et de statuettes, dans laquelle excellent les Wè), elle est plus réduite vers l’est(pays Bété et Dida), et presque inexistante sur la côte, où les objets d’importation européenne se sont très tôt substitués à la production locale.

L’uniformité de la culture Krou se traduit enfin par un conception de l’ordre réligieux sensiblement identique d’une population à l’autre . Les Krou reconnaissent un dieu, créateur de toutes choses; Mais ce dieu est trop loin des hommes pour qu’on puisse l’atteindre sans intermédiaires, d’où la prolifération des dieux secondaires que sont les génies, (résidant qui dans un arbre, qui dans une mare, qui dans un rocher…ils décident de la fécondité de la terre et celle des femmes, du succès de la chasse et de celui de la guerre; il appartient aux clairvoyants de les découvrir et d’interpréter leurs exigences en matière d’interdits et de sacrifices). Satisfaits, ces génies, agents du Bien, veilleront au bonheur de ceux qui les vénèrent; Mécontents, ils laisseront des sorciers, agents du Mal, s’acharner sur ceux qu’ils veulent punir. Entrent également dans ce panthéon une séries d’êtres fabuleux qui hantent la brousse, et dont certains, à l’allure humaine, de très petite taille et de peau rousse, ont fait croire à l’existence de négrilles dans la forêt ouest ivoirienne. Les ancêtres n’occupent qu’une place insignifiante dans cet ordre religieux, ils ne sont pas véritablement l’objet de culte.

Sources et Documentations : I.L.A – Institut de linguistique appliquée

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