×

Angbandji ou fête de reconnaissance en pays Adjoukrou

En pays Adjoukrou, après la célébration de la fête de low qui est le premier niveau fondamental, il y a un second niveau intermédiaire, la fête de l'angbandji. A la différence de la fête de génération qui est une fête collective, la fête de reconnaissance ou encore fête de noblesse, l'angbandji est une fête individuelle qui dépend des capacités financières du postulant.

Elle est une occasion de réjouissance, où l’individu exprime à toute la communauté sa reconnaissance, reconnaissance pour le soutien, reconnaissance pour ses biens (traditionnellement: terre, plantation, or, argent et pagne), reconnaissance pour avoir fondé une famille, reconnaissance pour la vie. Et l’expression de cette reconnaissance implique implicitement que l’individu fasse parade de richesse et d’opulence. Cette opulence va consister pour lui, à nourrir tout le village et tous les convives; à s’habiller en vêtement de qualité (osso-kogba) son épouse et lui, à se parer d’or et à se promener dans le village en passant par les principales artères. Lors de son passage qui se fait sous un parapluie tenu de façon générale par un membre de sa famille ou de la famille de son épouse, l’ angbandji reçoit tout au long de son parcours, à son honneur, des jets de pièces de monnaie toutes neuves.

Cet honneur, l’individu le partage avec sa famille. C’est pourquoi, quand un membre n’a pas la capacité financière suffisante, la famille lui prête main forte pour s’épargner l’infamie.

En effet, avant de célébrer l’angbandji, l’individu doit justifier son capital, appelé le capital angbandji. Et c’est avec ce capital qu’il paie un droit de cent mille francs CFA.

Dans l’époque ancienne, le doyen d’âge était celui qui détenait le patrimoine économique, l’«adja» de la famille. Cet adja se composait de pagnes, de bijoux, d’or et de plantation. Et cet adja était le fruit du travail de tous les membres de la famille. Les palmeraies étant la source principale de richesse, les jeunes filles et les jeunes garçons partaient y travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Les récoltes vendues, ils remettaient l’argent au doyen d’âge de la famille, le plus vieux, qui à son tour assurait la redistribution selon les besoins de la famille et des individus. Et de ces biens, il dégageait les moyens financiers et matériels nécessaires à la célébration de l’angbandji des membres de la famille. De ce qui précède, on constate que les jeunes, gagnés par la noble tentation de gravir les échelons sociaux, investissaient leur force de travail pour accroître la richesse de la famille. Et le doyen d’âge par sa sagesse et son autorité garantissait à tous les membres une équitable redistribution.

Aujourd’hui, même si le contexte d’occidentalisation a transformé la société, il est constaté que le doyen d’âge reste dans les familles le garant du patrimoine économique familial (l’adja). N’empêche que la liberté d’entreprendre ne peut plus permettre le travail collectif. Toutefois, le travail individuel (société organique) est orienté dans le sens de tout mettre en oeuvre pour célébrer l’angbandji non sans le concours de la famille.

Au sortir de cette fête, le célébrant acquiert le nom prestigieux d’angbandji et « obtient la gloire d’un nom tambouriné et le droit au tam-tam lors de ses funérailles ». De façon générale, le tambour implore la grâce de Dieu, il salue les ancêtres du village, il salue le village, il rend hommage à la famille de l’angbandj, et aux personnalités. Autrement dit, désormais le récipiendaire a son nom inscrit au panthéon de l’histoire de sa société. Car le tambour est aux sociétés africaines, ce que le livre est aux sociétés occidentales. Il est le lieu fidèle et crédible de la mémoire collective du peuple.

Dans d’autres villages Adjoukrou, le non angbandji s’incline avant de prendre la parole en public. Or, cette posture peut être comprise comme un signe d’allégeance, de petitesse ou d’insignifiance.

Puisque l’angbandji est une initiative privée, le temps de sa célébration est laissé à la volonté et au choix de l’individu; c’est seulement qu’elle ne peut être célébrée qu’après avoir été admis dans une classe d’âge.

Aussi, bien qu’elle soit une initiative privée, elle est une phase impérative avant la célébration de l’ebeb.

Par Fato Patrice KACOU
Université de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire) – Diplôme d’Etude Approfondie (DEA)

Les derniers articles

  • Les Ehotilé ou Bétibé

    A travers les Sous-Préfectures d'Adiaké (Adiaké, Assomlan, Eplemlan, Etuessika, N'Galiwa, Mélékoukro, Adiaké-Kakoukro...) et d'Etuéboué (Abiaty,…

  • Le mariage Malinké

    Le mariage reste un événement central dans la reproduction des structures familiales en pays Malinké.…

  • Les Niaboua ou Nyabwa

    Des révélations de M. Alfred Schwartz (cet européen anciennement au Centre ORSTOM-Sciences humaines de Petit-Bassam),…